1. La première scène : la fête de la musique
J’avais 16 ans. Montargis. Une place, un soir d’été, des amplis un peu bancals, des potes, et une innocence totale. On jouait comme dans un garage. Sans objectif. Sans peur. Sans se demander si c’était “bien” ou “professionnel”.
Et pourtant… quelque chose s’est ouvert en moi.
Le lendemain, un garçon populaire du lycée m’a arrêté pour me dire que j’avais été “exceptionnel”. Simple. Direct. Sans filtre. Et en une seconde, quelque chose a basculé.
Ce que ça a changé
Pour la première fois, j’ai été vu. Pas comme le petit frère. Pas comme celui “dont la sœur…” Pas comme un enfant qui subit l’histoire familiale.
Mais pour moi. Pour ma présence. Pour mon geste. C’était la première fois que je sentais ma place.
2. La scène : une école de vie brutale et bienveillante
La scène ne triche pas. Elle oblige. Elle met à nu. Elle demande le meilleur — mais elle le rend au centuple. Le partage sur scène renvoi de l'Amour, pour les artistes et leur public. Moi qui étais un faux timide, moi qui observais avant de parler, moi qui avais appris à me protéger du regard des autres, je n’avais plus le choix : il fallait exister.
Exister vraiment.
Pas à moitié. Pas “si ça ne dérange personne”. Pas “en se faisant discret”.
Ce que j’ai appris
La scène m’a enseigné une leçon que rien d’autre n’aurait pu m’apprendre : quand tu te tiens debout dans la lumière, les peurs se dissipent. Elles font place à la présence. Au souffle. À la vie.
3. Le groupe : ma première famille choisie
Jouer en groupe, ce n’est pas juste jouer ensemble. C’est respirer ensemble. Vibrer ensemble. Faire circuler une même énergie entre plusieurs sensibilités. Avec eux — mes amis de lycée — j’ai découvert la puissance du collectif. Nous partagions tout :
les répétitions interminables, les rires absurdes, les confidences du samedi soir, les colères, les doutes, les premiers chagrins d’amour, les nuits trop courtes, les repas improvisés.
C’était une fraternité. Une vraie. Pas celle du sang : celle de l’âme. Et Dieu sait si j'aime mon frère :-)
Ce que ça m’a appris
On ne grandit jamais aussi vite qu’au contact de ceux qui vibrent comme nous. Le groupe m’a enseigné le soutien, l’amitié profonde, la créativité partagée. Il m’a appris que l’on va beaucoup plus loin ensemble que seul.
4. Kinshasa, l’internat, et la musique comme refuge
Quand mes parents ont été mutés au Congo, j’ai dû entrer en internat. Deux années particulières : une solitude extérieure, et une intensité intérieure. Chaque week-end, je retrouvais mon groupe. On jouait. On riait. On cuisinait. On refaisait le monde.
Sans parent, sans cadre, sans filet… on apprenait la vie.
L’autonomie. Les responsabilités. La liberté.
Ce que ça a consolidé
Le groupe n’était plus un hobby : c’était une maison. Un pilier. Un espace où je pouvais être moi-même sans masque. Ce sont des années qui m’ont façonné profondément.
5. Une vérité : sur scène, je devenais “moi”
La scène m’a offert un espace que l’école, la famille, la société ne m’avaient jamais offert : un espace où je pouvais me tenir debout sans me protéger.
- Sur scène, je n’avais pas à me cacher.
- Sur scène, je n’avais pas à justifier qui j’étais.
- Sur scène, je n’avais pas à être “petit” ou “sage”.
J’étais juste… vivant.
Ce que j’ai compris
La scène a été ma première véritable libération intérieure. Elle m’a appris :
• la présence
• la confiance
• l’audace
• la vulnérabilité
• la puissance d’être soi
• la fierté silencieuse d’exister
C’est là que j’ai compris que l’expression n’est pas un luxe. C’est une nécessité.
Conclusion
Ces premières années de scène ont été un initiateur puissant. Elles ont fissuré mon ancienne peau. Elles ont ouvert une porte vers une version plus libre, plus vraie de moi-même.
J’y ai découvert : la force du collectif, la puissance du geste, la vulnérabilité de se montrer, et l’importance de créer avec d’autres.
La scène a été mon premier miroir.
Elle m’a montré que la lumière n’était pas un danger. Elle pouvait être un espace de révélation. Et cette révélation ne m’a plus jamais quitté.






